KIWI GRIZZLY

Illustré par Claire de Gastold


éditions Thierry Magnier 2018

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Télérama
– Marine Landrot

 

 

Kiwi est conviée à un anniversaire. Tandis que la fête bat son plein, il se trame quelque chose… De drôles de squatteurs mettent la zizanie et une joyeuse pagaille finit par s’installer.


Quelle excellente idée de scénario ! Au commencement, l'histoire paraît ressembler à mille autres : une petite fille reçoit une invitation pour un anniversaire costumé. Gros plan sur l'écriture manuscrite ronde comme les perles d’un collier, signée de la main d'un petit Zach… Jusque-là, que du déjà vu. Il y a bien ce prénom de Kiwi, inhabituel pour une fillette, mais pas de quoi fouetter un chat. Quoique.

On aperçoit un matou dans l'image, caché derrière la carte d'invitation, presque craintif, pressentant quelque orage dans l'air. L'animal est connecté avec ses semblables, qui mijotent un drôle de plan, de l'autre côté du mur. Mais chut ! Kiwi ne se rend compte de rien, pas même de ce gant blanc qui rampe sur le parquet, prêt à lui chatouiller les doigts de pied.


C'est toute la magie de cet album que d'instiller une étrangeté au fil des pages, comme une odeur légère, non identifiable, puis de plus en plus prononcée, un peu acide, un peu musquée, un peu boisée, un peu sucrée. Le secret se dévoile quand l'anniversaire bat son plein, et dégénère jusqu’au pipi par terre, comme au pied d’un arbre, et pour cause : des animaux impeccablement déguisés en enfants se sont glissés parmi les invités ! Des squatteurs des bois, qui ont glissé leurs sabots dans des chaussures, lissé leurs oreilles sous des coupes au carré, étreint leurs groins de masques de gamins…

 

Au lieu de montrer les dessous de la manigance bestiale, l'album se situe du côté des petits humains, et montre leur perception qui se trouble. A partir de quel moment remarque-t-on qu'il y a quelque chose qui cloche ? Ce livre se niche dans cet instant fugace et intense où la conscience se fait jour. Conscience que l'imprévu peut pimenter agréablement la vie, conscience que l'entre-soi gagne à être dynamité, conscience que le règne du vivant n'aura pas de fin.

 

Gageons que l'album restera souvent ouvert, dans les chambres d’enfants, sur une double page illustrant à merveille la richesse de la différence : enfants et animaux serpentent en farandole pour escalader un arbre avant la dégustation du gâteau.

« Ils s'amusent beaucoup. Ils se comprennent sans se parler. » Tout pareil pour le lecteur, vite intégré, vite absorbé, par cet univers sauvagement joyeux.